Agathocle, marchand Macédonien

La matinée en cette fin d'été s'annonçait chaude et ensoleillée. Agathocle paressait doucement sous les oliviers de sa maison près du centre ville de Cardia, à siroter lentement un vin doux issu de ses meilleurs cépages, quand il entendit frapper vigoureusement à la porte...

- Maître ? Un message vient d'arriver de la part du capitaine de la garnison. Celui-ci demande à ce que vous vous présentiez séance tenante à son bureau.
- Va préparez un cheval pour moi !! Et fait venir Ajax, qu'il m'apporte ma plus belle tenue.
- Bien Maître...

Plus d'une heure plus tard, le marchand Agathocle se présentait chez le capitaine Démosthénès.
- Entre Agathocle. Je t'ai choisi car j'ai toute confiance en toi.
Le marchand se méfiait de ce genre d'introduction. Encore une flatterie susceptible de lui faire accepter n'importe quoi. Où voulait en venir le capitaine ?
- Un des conseillers du Tyran m'a fait savoir qu'un accord commercial a été passé récemment avec nos voisins du Bosphore, le Pont d'Euxin. Je t'ai donc choisi pour monter spécialement un convoi pour mener jusqu'à leur cité de Pergamum 2 fois 500 lingots d'or jusqu'à leur cité.
- Et que dois-je ramener ? s'inquiéta Agathocle qui n'avaiut pas du tout enviusagé d'envoyer un de ses navires en direction de Pergamum en cette saison. Les pirates sévissaient actuellement. Et il avait déjà perdu 2 cargaisons cette année. Une troisième perte serait une catastrophe pour sa famille...
- Rien, les Ponts d'Euxin se chargent d'envoyer de leur côté le règlement de cette livraison spéciale. Par ailleurs, tu seras escorté par deux de nos galères ajouta le capitaine qui connaissait les raisons de la réticence du marchand.
- Mais une fois arrivé, comme cela se passera-t-il ? Ai-je un contact auprès de qui livrer?
- Soit assuré que tout est organisé. Tu es déjà annoncé, Agathocle. Et fais vite, tu es attendu avec impatience!!
- Bien capitaine. Tout sera fait selon les désirs du Conseil.

Et c'est comme cela que 2 mois plus tard, Agathocle se retrouva à livrer à Pergamum, sous un orage d'automne en plein milieu de la nuit, 2 fois 500 lingots d'or aux hommes d'Asender.
Ce que l'on ne lui avait pas dit, c'était comment il allait revenir, car son escorte navale ne l'avait pas attendu dans la crique où il avait choisi de faire mouiller son navire. Et les pirates sévissaient toujours.
Décidément, ces puissants pensaient à tout. sauf aux détails, tels que la vie de leurs employés une fois le travail réalisé...jusqu'à la prochaine fois...

Mars 179BC
Agathocle était bien rentré en sa demeure de Cardia, non sans mal d'ailleurs.

Le détroit avait beau être étroit en l'endroit choisi, il n'en n'était pas moins meurtrier.
La traversée n'avait été très difficile, mais les marées d'hiver vous cachaient certains récifs qu'ils valaient mieux éviter. Et Agathocle ne souhaitait pas connaître le sort de nombreux malheureux qui avaient fini dans le royaume de Poséïdon.
Et sans parler qu'un incident récent à la frontière avait failli lui coûter sa liberté. Il avait dû acheter le silence de la patrouille côtière du Pont Euxin pour rejoindre la crique où mouillait son navire.

Le marchand profitait donc d'un repos bien mérité auprès de son épouse qu'il chérissait tendrement. Celle-ci lui avait donné 2 beaux enfants et savait mener la maisonnée en son absence. Que ferait-il sans elle ? Il l'ignorait, mais se sachant béni des Dieux, il les remerciait chaque jour pour la chance qu'ils lui accordaient. Zeus n'était pas tendre avec les fidèles qui se détournaient de son culte.

Quand le majodorme vint.
- Maître ?
Agathocle tourna la tête vers son serviteur, agaçé d'être dérangé en cette heure tardive.
- Maître ? Un message vient d'arriver du Conseil du Tyran.
- Encore ? Que me veulent-ils cette fois ? Me féliciter pour mon voyage ?!
Le pauvre majordome ne savait plus où se mettre, mais il savait que les colères de son maître ne duraient guère et que celle-ci n'était surtout pas véritablement dangereuse. juste l'expression d'une fatigue accumulée.
- Maître ? Puis-je vous préparer un bain chaud aux herbes ? Ceci vous détendra tandis que vous lirez le message.
- Va...

Agathocle pris le temps de lire le message et pesta une fois encore.
Décidément ces anciens du Conseil me prennent pour leur larbin !! Maintenant, il faut que j'organise un convoi vers Byzantium dont les citoyens viennent de rejoindre le Royaume Macédonien ! A croire que je suis bon pour être logisticien et non plus marchand !
Son épouse Danae vint auprès de lui.
- Détends-toi mon chéri, si le Conseil pense à toi, c'est qu'il te sait homme de confiance. Il saura te récompenser sûrement prochainement. Gagne leur confiance.
- Tu as sûrement raison. J'organiserai donc ce nouveau convoi après avoir rencontré le capitaine Démosthénès. Peut-être pourra-t-il m'en dire un peu plus.
- Allons au bain envisager l'avenir.

Agathocle souriait dans son fort intérieur.

Les affaires prospéraient.
Grâce au Conseil du Tyran, il avait pris des contacts avec des marchands du Pont dans de nombreuses villes. Il avait même mariée sa fille avec l’un d’entre eux. Un marchand du nom d’Antarxtès. Un jeune homme intelligent et ambitieux. Celui-ci lui avait fait bonne impression. A travers le jeune homme Agathocle avait l’impression de retrouver une seconde jeunesse. Le jeune homme semblait deviner les idées de son beau-père avec qui il partageait nombre d’ambitions commerciales. Ensemble, ils avaient monté une affaire lucrative entre la petite cité portuaire et frontalière de Selima conquise récemment aux Thraces et la Capitale du Pont et son fructueux et affairé port.
A travers la Skythikos Pontos, un véritable pont commercial s’était établit. Et surtout à travers les mailles du filet des douanes des deux nations, les navires d’Agathocle et de son gendre Antarxtès filaient sur la mer comme si elle leur appartenait. C’était à se demander si les Dieux ne les favorisaient pas. Agathocle ne manquait pas une semaine sans remercier Poséidon de ses largesses. Aucune perte de navires sur des récifs, aucune attaque de pirates, aucun contrôle douanier malheureux… Décidément Poséidon méritait d’être remercié !

Il est vrai que les largesses dont il faisait preuve auprès du capitaine de la garnison de Selima et de quelques hommes bien placé à la capitainerie de Sinope finissaient d’arranger certaines formalités administratives longues et inutiles. Ils étaient gourmands, mais chacun y trouvait son compte. Il faudra néanmoins penser à faire remplacer ces hommes qui venaient de plus en plus exigeants pour taire leur silence. Ah soupira-t-il, l’ambition est comme le ver dans un fruit trop mûr, à toujours en vouloir plus, sans savoir se contenter de ce que la providence vous proposait.

Agathocle souriait dans son fort intérieur.

Alors que le marchand se prélassait sous les derniers rayons de la journée, à siroter auprès de sa compagne du moment, son épouse étant chez une sœur à elle, il entendit des coups sourds tambouriner à la porte du jardin.
- Agathocle ! Le capitaine Démosthénès vous fait mander incessamment, criait d’une voie forte un sergent qu’il connaissait de loin. Je suis là pour vous escorter jusqu’à lui.
Agathocle, surprit par le ton péremptoire de cette injonction se dépêcha de rejoindre la porte du jardin, tandis que son majordome en faisait tout autant pour recevoir le visiteur importun.
Mais qu’elle ne fut pas la surprise du marchand de trouver dans la rue le sergent accompagné de 6 hommes portant l’arme au côté.
- Toute cette escorte pour moi ? Le capitaine semble inquiet pour ma sécurité fit le marchand qui pressentait quelque entourloupe, sans être capable de la nommer. Une raison quelconque, sergent ?
-Je l’ignore marchand Agathocle, j’ai juste reçu l’ordre de vous accompagner sous ma protection au capitaine.

Escorté par la patrouille, Agathocle voulu se présenter au bureau du capitaine, mais le sergent lui signifia de le suivre jusqu’au palais du gouverneur. L’affaire devait être grave pour qu’il ait l’honneur d’être invité au palais.
Et c’est très rapidement qu’il fut amené devant le gouverneur de Cardia d’où il dirigeait ses affaires.

Sûr de lui, le marchand salua bien bas le gouverneur Ktēsías et le capitaine.
Néanmoins, le marchand fut surpris de s’apercevoir que l’entrevue prévue ne concernait pas uniquement lui. En effet, il réalisa assez rapidement que d’autres hommes étaient également présents et que la garde du gouverneur semblait plus nombreuse que la raison ne le justifiait.

Agathocle commença à se méfier de cette rencontre imprévue qui prenait mauvaise tournure. Faisant fi, il continua de sourire jusqu’à ce qu’il entendit les mots du gouverneur.
- Agathocle, commença Ktēsías, comment va ta fille ? J’ai cru comprendre que tu l’avais marié au printemps dernier, avec marchand de Sinope.
- Tu n’ignores pas que les relations entre le Pont d’Euxin et nous se sont très récemment tendues. Or, on me rapporte que tes affaires sont florissantes avec Sinope ces derniers temps. N’aurais-tu pas oublié de nous parler de quelque chose à ce propos ? demanda innocemment le gouverneur.
- Ne t’inquiète pas pour tes affaires Agathocle repris en échos le capitaine. Ce qui nous intéresse, ce sont les nouvelles que tu pourrais nous donner sur Sinope et sa région. As-tu des conseils à nous donner ? As-tu des éléments à nous révéler sur le port, ses installations ou la garnison de la capitale ?
Si ce n’était que ça soupira Agathocle, je devrais pouvoir m’en sortir et préserver mes affaires.
- Bien que je me souvienne continua le capitaine que ce n’est pas que pour ça non plus que nous t’avons fait venir. On m’a en effet rapporté, et tandis qu’il disait ceci, le capitaine se tourna vers les hommes regroupés craintivement près de la balustrade donnant sur les jardins du palais, on m’a en effet rapporté qu’à l’inverse qu’un de tes navires a aussi emporté tes affaires personnelles et autres meubles ainsi que des informations lors de son dernier voyage vers Sinope. N’aimes-tu donc pas le royaume de Macédoine, traitre ? S’enflamma d’un coup le capitaine.
- N’aimes-tu pas notre estimé souverain et Tyran Néarque ? Croyais-tu t’en tirer ainsi et partir en catimini pour rejoindre nos ennemis ?
As-tu une quelconque excuse pour justifier de tels actes ?!

- Mon père était de Sinope arriva péniblement à bafouiller le marchand, avant d’être emporté par la garde jusqu’à son supplice. Et c'est hurlant de terreur qu'il parcouru la courte distance moitié tiré moitié soulevé par les gardes qui l'agenouillèrent violemment devant eux.

La condamnation qui lui fut appliquée fut la mort par égorgement sur l’esplanade d’exécution où son corps pourrirait et dessècherait pendant 7 jours avant d’être jeté en pâture aux charognards.

Le visage d'Agathocle n'affichait plus son éternel sourire.

Personne ne serait autorisé à récupérer son corps pour préparer le voyage de l’âme vers le royaume d’Hadès. Il serait condamné à errer éternellement dans les limbes sans espoir de pouvoir rejoindre ses ancêtres.


Ainsi disparu misérablement celui qui avait espérer tromper le Tyran Néarque.